Au fil de ma fantaisie et de mes humeurs

Au fil de ma fantaisie et de mes humeurs...

mardi 7 septembre 2010

Comment lire une partition 2

Je vous rappelle mon propos : essayer de comprendre pourquoi la musique nous émeut, en regardant « comment c’est fait ».

Je vous propose aujourd'hui de jeter un oeil "vertical", c'est à dire de regarder comme un ensemble toutes les notes qui sont émises en même temps : on appelle ceci un accord. Rappelons que mon propos n’est pas de faire de la théorie musicale, mais de comprendre « comment c’est fait ».

Un son correspond à une certaine fréquence de vibration de l’air, mais on entend aussi ses harmoniques : l’octave (fréquence double), la quinte (fréquence *3/2), la quarte (4/3), la tierce (5/4), etc. Pour écouter cela dans toute sa splendeur, il faut écouter bien sûr le Prélude de l’Or du Rhin où Wagner nous fait entendre toutes les apparitions successives des harmoniques du Mib : Mib, Sib, Sol, Sib, Mib, Sol…



Un instrument de musique émet naturellement, au-delà de la note principale, des harmoniques, ce qui lui donne son « timbre ».

Que les fréquences émises soient « en harmonie » pour être audibles, on peut le concevoir. Cependant, l’étude physique ne résout pas la solution du mystère : pourquoi sont-ils essentiels en musique pour transmettre les émotions, que ce soit l’amour, la haine, la récolte, la gloire, le repos, l’angoisse ? Pourquoi sont-ils « liquides» dans Pelléas , «sauvages » dans le Sacre ?

Les sons entendus successivement ici sont émis simultanément dans un accord. Dans la musique symphonique, par définition, et dans la musique pour clavier, ils sont fort nombreux, mais seuls certains sont importants car ils déterminent la structure de l'oeuvre. J'aime bien aller chercher d'abord l'accord final, l'accord conclusif par excellence, le point final, qui est amené après un enchainement qu'on appelle une cadence.

Ce n'est pas toujours aussi simple, hélas, surtout quand on s'éloigne de la période classique. Néanmoins, il y a toujours de ces accords qui marquent la structure de l'oeuvre, que ce ne soient que des "points-virgule" entre parties, ou, de façon plus intéressante, les accords qui préparent et affichent les modulations, c'est-à-dire les changements de tonalité. Il faut être musicien, et des années de formation, pour maîtriser la "théorie harmonique".

Mais prenons un accord quelconque. La première question est de savoir s'il est "superposable en tierces", c'est-à-dire si, en prenant les octaves d'une ou plusieurs notes de l'accord, on peut les mettre sous une forme où il y a une note, dite fondamentale, surmontée d'une tierce (mineure ou majeure) et d'une quinte (diminuée –c’est dissonnant-, juste, ou augmentée : on a un accord de 3 notes. S'il y a une septième, on a alors un accord de 4 notes.

Prenons un exemple simple d'un accord de 3 notes, l'accord de DoM : do, mi, sol. Il est dans sa position fondamentale. Mais si je joue le même accord en le renversant, je peux trouver mi, sol, do : c'est l'accord de sixte, ou sol, do, mi : l'accord de quarte et sixte.

Compliquons un peu : je vous ai fait un accord de DoM dans une tonalité supposée de DoM : la tonique. Je reste en DoM, mais je vous fais l'accord majeur sur le IIème degré : ré, fa, la : accord mineur.
Sur le IIIème degré : mi, sol, si : accord mineur
Sur le IVème degré : fa, la, do : accord majeur
Sur le  Vème degré : sol, si, ré : accord majeur (accord de « dominante »)
Sur le VIème degré : la, do, mi : accord mineur
Sur le VIIème degré : si, ré, fa : !!! accord « impossible » de triton (trois tons, le « diabolus in musica » !). Pour le rendre « juste », il faudrait  si, ré, fa#, mais on ne serait plus dans la gamme de Do !
Pour voir comment on peut partir de DoM, et « frôler » toutes les tonalités, il faut aller regarder le 1er Prélude du Clavier bien tempéré, de Bach.
Tout ceci pour vous expliquer que si, par analyse inverse, je prends l’accord sol, si, ré, il peut être :
-         l’accord du Ier degré de SolM
-         l’accord de dominante de DoM
-         l’accord de dominante de Dom
-         l’accord de IVème degré de RéM
-         l’accord de VIème degré de Sim
Voyez toutes les combinaisons que cela peut faire, parce qu’il y a 24 tonalités possibles, 6 accords parfaits envisageables, 2 renversements à disposition conduisant naturellement à 5 tonalités voisines ! Et rien ne vous empêche d’être plus hardi, et de changer brusquement vers une tonalité éloignée, comme Verdi dans « les Trompettes d’Aïda » !
Et je ne vous ai parlé que des accords de 3 notes. Voyez ce que cela peut donner avec 4 notes, 5 notes (superposables en tierce)…
Et sans compter les « agrégats de notes », qui sont tous les accords non superposables en tierces. Faites marcher votre petit chien sur le clavier du piano, ça vous donnera une idée de ce que ça peut donner, ou écoutez France Musique lors de ses « rendez-vous avec la musique contemporaine ».
En analysant les accords, on découvre tout un monde complexe, et si on peut  les comprendre, ce n’est pas pour autant qu’il est facile de faire celui qui convient. Il faut être un génie pour innover en ce domaine.
Deux exemples :
-         l’accord de Tristan fa, si, ré#, sol#


Que n’en a-t-on pas dit ! Il est superposable en tierce fa, lab, dob, mib : accord sur le IIème degré de Mibm (6 bémols à la clé), comme je vous ai expliqué plus haut !!! Il est donc réglementaire, mais l’ennui est qu’on part a priori en Lam, une tonalité très opposée. Il s’agit plutôt d’un « frottement » entre la fin du 1er thème, et le début du 2nd, très chromatique, qui part du sol#. Du génie, je vous le dis : écoutez-le !


-         L’accord du Sacre du printemps : obsessionnel, barbare ? Je vous laisse chercher les 2 accords qui le constituent…

Et notez le rythme.... On en reparlera!



Aucun commentaire: